Skip to main content

« Si tu embarques fainéant, tu débarqueras courageux » !

Tous les 15 février c’est le même scénario qui se reproduit. C’est l’heure du grand départ pour la grande pêche, l’instant où les familles se pressent sur les bateaux où le long des quais avant de se séparer pour de longs mois. Les Terre-Neuvas vont pêcher la morue dans les eaux glacées du Grand Nord Canadien et par tous les temps. Il faudra remplir les cales pour ne revenir au port que 5 mois plus tard, peut-être plus tôt si la chance sourit !

 » Le célèbre Pardon des Terre-Neuvas »

Le Grand Hebdomadaire Illustré du 7 mars 1926 relate l’événement: » Le Pardon des Terre-Neuvas vient de naître à Saint-Malo et l’enthousiasme de la fête religieuse et populaire vécue par toute la région où se recrutent les équipages des Terreneuviers, est la preuve que cette manifestation répondait à un besoin. »

 » Le Pardon des Terre-Neuvas est créé: il vivra désormais aussi longtemps que vivra l’armement de la grande pêche dans les ports de Saint-Malo, Saint-Servan et Cancale ».

La suite a prouvé qu’il avait raison .

Cependant en 1992, le gouvernement fédéral a interdit la pêche à la morue le long de la côte est du Canada. Ce moratoire a mis fin à près de cinq siècles de pêche à la morue à Terre-Neuve-et-Labrador.

« Terre-Neuva un jour, Terre-Neuva toujours« 

Ils avaient 16 ans, parfois moins, et embarquaient pour la 1ère fois vers Terre-Neuve. Ils ne savaient rien de ce qui les attendaient, de la dureté du travail, de la fatigue, du manque d’hygiène, des blessures, du danger…Mais tous se sont construits sur des valeurs humaines où la solidarité et le devoir de mémoire les réunit toujours aujourd’hui.

Interview exclusive:

Il y a 70 ans, le jeune mousse Lionel Martin partait à son tour. Voilà ce qu’il nous dit: « il y aura 70 ans le 15 février 2022 que j’embarquais mousse pour Terre-Neuve. C’était le 14 février 1952 que je montais dans le train pour Bordeaux. Départ de Saint-Malo à 18h00, arrivée à Bordeaux 5h15 le 15 février avec 10 équipages à bord soit 500 hommes.

La « récolte » des hommes se faisait de gare en gare. A la Gouesnière pour embarquer les Cancalais, puis La Fresnais, ce fut ainsi où les derniers hommes furent embarqués à La Rochelle.

L’ambiance dans le train était hallucinante dans un nuage de tabac, de cris, des bruits de bouchons. Les casse-croûtes sortaient – le lard, les huîtres, le cidre, la saucisse, le pain… Les contrôleurs avaient abandonné le train tellement ils étaient chahutés.

Arrivés à Bordeaux les différentes Cies de navires attendaient leurs hommes dans des camions non bâchés, le 15 février à 5h00 du matin il ne faisait pas chaud ! Direction les navires pour y déposer sacs et valises, prendre sa couchette désignée. Puis à pied nous allons vers les bureaux de la Cie pour être remboursés de nos frais de route. Puis chacun reçoit 2 couvertures, un polochon, une gamelle et un quart en fer, cuillère, fourchette… MAIS MAIS la coutume à Bordeaux dans les années 50 c’est que les mousses doivent perdre leur pucelage avant de partir ! Ils sont pris en charge par les anciens et direction les bordels du coin: le SYSTER, l’ALCYON, le KING GEORGE, les bars à dames aux moeurs légères avaient leurs sièges sur le port. La coutume voulait que le capitaine payait la « passe » du plus jeune mousse. On disait que ça portait chance pour la pêche. 5 mois plus tard nous étions de retour avec toutes les places que l’on voulait dans le train. 5 mois sans se laver les dents et pas d’eau douce…la puanteur était avec nous. Mais qu’importe, nous allions retrouver nos familles pour 10 jours. « 

Lionel Martin, de mousse à capitaine, auteur de nombreux livres et co-fondateur de l’association Mémoire et patrimoine des Terre-Neuvas

Dans cette même décennie, Jean Héry prit le même chemin. Voici le récit de cette incroyable aventure qui a vu partir des adolescents et fait revenir des hommes

Jean Héry,
ancien Terre-Neuva

Les Malouins dans la Course remercient le service des archives du musée Mémoire et Patrimoine des Terre-Neuvas à Saint-Malo pour le prêt de documents et d’archives qui ont aidé à la réalisation de ce reportage.